Easy Tempo - Pierre Daven-Keller
(environ 990 mots – 5 minutes de lecture)
Pierre Bondu est un compositeur et arrangeur connu notamment pour ses collaborations avec Philippe Katerine, Christophe Miossec ou encore Dominique A. Il sort en 2019 l’album Kino Music sous le nom de Pierre Daven-Keller. Comme son nom l’indique cet album est traversé d’influences cinématographiques, notamment des musique d’Ennio Morricone.
Easy Tempo est la treizième plage du l’album. La toune met à l’honneur le clavecin, qui joue le thème en valeurs longues et auquel répond un bugle, le tout accompagné par un trio piano basse batterie que soutient un orchestre à cordes. La structure du morceau en est simple : un thème est joué deux fois après une courte introduction et avant la conclusion. (la toune est à 35:55)
Écoute détaillée
Introduction (0:00)
Le piano joue un accord de D-7 pendant deux mesures :
Le piano conservera ce rythme tout au long du morceau. Un fill de batterie à la deuxième mesure annonce le début du thème.
Thème 1 (0:05)
Le thème comporte beaucoup de valeurs longues et est joué au clavecin. Ce choix d’instrument au sustain faible permet de mettre en relief chaque note. En contraste, l’orchestre à cordes joue des nappes en doublant les voicings du piano. La basse et la grosse caisse soulignent la main gauche du piano tandis que la caisse claire joue classiquement les deuxième et quatrième temps de chaque mesure.
Le thème est structuré autour de deux parties de longueurs inégales articulées par des mesures de transition. La première partie dure 8 mesures et est composée de deux phrases.
La première phrase du thème ne contient que des notes à valeurs supérieures ou égales à la blanche. Chacune des notes est harmonisée par un accord différent. La seconde phrase est plus active rythmiquement.
Bien que le thème soit en FA majeur, on voit apparaître un SI bécarre dès la deuxième mesure, harmonisée par un accord de Cmaj7. Il s’agit en fait d’une sensibilisation du DO mesure 3. Il est intéressant de noter qu’à ce stade du morceau aucun élément n’a installé la tonalité de FA majeur. Ce SI bécarre dirige donc l’auditeur vers une fausse piste en évoquant la tonalité de DO majeur. Il y a d’ailleurs une fausse relation entre la mélodie et la basse qui joue un SI bémol à la mesure suivante.
Cependant, au moins trois éléments nous permettent d’entendre cet accord de Cmaj7 comme un accord de passage. Tout d’abord, sa position rythmique sur la partie faible de la mesure. Deuxièmement, cet accord est suivi d’une résolution mélodique forte sur l’accord suivant. On note au passage que cette résolution se fait sur la neuvième de l’accord de Bbmaj7. Enfin, le fait que Cmaj7 et Bbmaj7 soient tous deux de la même nature et que l’on assiste à la transposition d’une même couleur harmonique.
La deuxième phrase dure également quatre mesures. (plus une anacrouse) La mélodie repose essentiellement sur les notes des accords. Un premier motif rythmique anticipant les temps forts est répété trois fois mesure 5, alors que l’harmonie est statique.
Entre les mesures 7 et 9, nous retrouvons un léger décalage entre les résolutions mélodiques et harmoniques. La mélodie se résout naturellement mesure 8 sur la tierce de l’accord de FA. Cependant, l’accord de FA est joué juste avant et juste après cette résolution. En effet, il est d’abord entendu sur une partie faible de la mesure 7. Lors de la résolution mélodique, les notes de l’accord sont brodées (D-/G) pour se résoudre définitivement une mesure plus tard.
Un fill de batterie annonce la suite du thème. Cette fois l’accompagnement se fait à la ride. La deuxième partie du thème est composée de trois phrases de quatre mesures. La première phrase est jouée deux fois, avec une légère différence harmonique la deuxième fois :
De la même façon que pour la première partie du thème, les premières phrases sont relativement statiques et chaque note est harmonisée. Ici encore l’accord de Bbmaj7 est approché par un accord de Cmaj7 étranger à la tonalité de la toune. Cette fois la tonalité a été installée lors de la première partie du thème. On remarque mesures 12 et 13 la succession de 3 accords de couleur maj7, tandis que des mesures 15 à 17 la ligne de basse donne une unité à l’harmonie.
Un bugle répond au clavecin mesures 13 et 17 :
Cette intervention cuivrée n’est pas sans rappeler Burt Bacharach. Le bugle joue encore des bouts de cette phrase aux mesures 20 et 22. Une fois encore, les résolutions de la mélodie et de l’harmonie se font en décalé. À l’instar de la première partie du thème l’accord final est brodé tandis que la mélodie se termine. L’effet de suspension est accentué par l’arrêt de l’accompagnement à la mesure 23. On a ainsi une forte réduction de la masse orchestrale au moment de la résolution harmonique, laissant seul un riff de piano. Basse et batterie lancent le second thème.
Thème 2 (1:09)
Le second thème diffère du premier par l’introduction de contrechants joués au clavecin. Ces contrechants ont lieu dans la première partie du thème, lors des notes les plus longues ou les silences. Le bugle joue quelques notes (non écrites ici) à partir de la mesure 8.
On remarque encore l’emploi du SI bécarre à la première mesure du contrechant, qui annonce l’accord de Cmaj7. La suite du thème est identique à la première exposition.
La toune se termine avec une coda qui consiste en le prolongement de l’accord final. Le bugle (en bleu) répond aux accords du piano pendant quatre mesures.
Conclusion
Avec Easy Tempo, Pierre Daven-Keller nous offre une douce miniature portée par une orchestration aux accents très sixties. Les nappes de cordes enveloppent l’auditeur. Cette sensation est renforcée par le contraste avec le son pincé du clavecin. Tandis que l’emploi d’accords de passages étrangers tient éveillée son attention. Enfin, en décalant les résolutions mélodiques et harmoniques, le morceau donne une impression de flottement, comme entre veille et sommeil.